Quatre heures du matin, debout tel un zombie après avoir fait 48 heures non stop. Non je n'étais pas de garde seulement, j'avais besoin de passer du temps dans cet hôpital pour éviter mon atroce belle-sœur qui avait décidé une fois de plus de squatter mon appartement. Bon d'accord, c'était également celui de mon frère et tout de même, ça ne se faisait pas de s'incruster chez les gens comme ça ! De toute façon, je voulais les meilleures interventions possibles et pour cela, il fallait apprendre à veiller. La nuit fut calme si bien que je vis les moindres secondes s'écoulaient sous mes yeux fatigués. Pas de cas admis hormis de petites blessures peu importante. Je m'amusais donc au service des urgences à recoudre de petites plaies ou encore à examiner un gosse qui faisait une crise de foie après avoir mangé trop de chocolat quand ses parents dormaient. Autant dire que Guilty Pleasure n'avait pas connu de nuit aussi tranquille depuis en paquet d'années. Dans tous les cas, je ne croisais les autres chirurgiens. Peut-être avaient-ils réussi à obtenir des patients, eux ! Peut-être que finalement, je n'avais rien à faire ici. Je soupirais en regardant une nouvelle fois mon bippeur inactif. Mais merde alors, il ne pouvait pas se mettre à sonner ? Et c'est à ce moment précis que j'eus une idée de génie. Si le mien ne bippait pas, peut-être qu'un autre exercerait son métier à la perfection. Un sourire sadique collait au visage, je marchais en direction de la salle des résidents qui servait surtout de dortoirs à cette heure si tardive. A mon plus grand bonheur, Nikolaï dormait comme prévu et, c'est en avançant sur la pointe des pieds que j'échangeais nos bippeurs en souriant, fière de mon acte. Tournant les talons, j'étais prête à retourner à mes occupations mais malheureusement, c'était sans compter sur le soutien de ce foutu bruit qu'émis le petit objet que je tenais entre les mains. J'étais à deux doigts de réussir ma mission secrète merde !

Mes pieds ne me supportaient plus, j’allais sans aucun m’effondrer sur place si je ne venais pas à m’asseoir dans les minutes qui suivaient. Je jetais un coup d’œil à ma montre tandis que je me rendais en salle de repos. Minuit passé, bordel, j’espérais que mon dernier patient n’aura aucun problème au cours de la nuit. Je n’arriverais sans doute pas à me lever pour cette patiente souvent prise de convulsions et qui me donnait du fil à retordre. Après de nombreux examens, le diagnostique était toujours difficile à dire. Elle était arrivée très tôt ce matin et je m’étais jeté sur ce cas que j’avais facilement obtenu, mais à cette heure-ci, je le regrettais. Maintenant j’allais dormir et on verra bien si ce maudit bipeur me réveille au cours de la nuit. C’est bien tôt dans la matinée que son bruit strident me fit me lever en sursaut. Je m’en emparais pour voir qui essayait de me joindre mais ce dernier n’afficha rien. Je fronçais les paupières, posant mon regard dans la direction d’où venait le bruit. J’hallucinais ! Putain elle faisait quoi ici celle-là ? « Dis-moi que c’est un titulaire ou un autre résident et que c’est pas ma patiente de la 257 sinon je t’ouvre le crâne avec un scalpel sans anesthésie. », lâchais-je alors sur un ton plutôt énervé tandis que je me redressais. Je tenais le bipeur de la jeune femme dans ma main, sachant pertinemment que ce n’était pas le mien étant donné que l’écran de mon bipeur présentait une petite fissure alors qu’il m’avait échappé des mains quelques jours plus tôt au cours d’une course vers le bloc. Je passais brièvement une main sur mes abdos, cherchant du regard ma blouse que j’avais retiré avant de m’endormir et je retrouvais cette dernière sur le sol. J’étais de mauvais poil, je le savais et j’avais un mal de crâne énorme suite à ce peu d’heures de sommeil que j’avais. Je savais que je n’aurais pas du dormir, que j’aurais dû arpenter les couloirs de l’hôpital mais mes pieds n’avaient pas entendus cela du même œil. J’étais épuisé et je n’avais envie que d’une chose, m’endormir à nouveau et léguer toutes responsabilités au premier venu. Merde je devais être fou, c’était pas possible, qu’avez-vous fait de Nikolaï ?! C’était moi qu’on bipait, que se soit pour ma patiente que j’avais sous observation ou pour quelqu’un d’autre je devais y aller et ne pas laisser Féline s’y rendre à ma place.

J’étais vraiment surprenante ! D’ailleurs, je m’étonnais moi-même ! Il était quatre heures du matin et pourtant, j’arrivais toujours à avoir des idées géniales je dirais même, en or. J’étais faite pour être chirurgienne car sans me vanter, j’étais une vraie teigne quand je le voulais, maligne, manipulatrice, peut-être garce mais, j’avais dans tous les cas un super cerveau. A cette heure encore, celui-ci était en marche et c’est d’ailleurs grâce à cela que j’avais pu me glisser dans la salle de repos des résidents pour piquer le bipeur de Nikolaï. Ce mec, je l’aimais bien. Sans déconner, il était vraiment intelligent, presque autant que moi et s’il n’était pas à Guilty Pleasure, je n’ennuierais surement car personne ne m’arrivait à la cheville hormis cette petite tête blonde. Levant les pieds avec précaution pour ne rien faire tomber et par la même occasion le sortir de son sommeil, j’avançais doucement mais surement, sur la pointe des pieds. Arrivée à quelques centimètres de la porte de sortie, j’étais certaine de réussir mon coup. C’était sans compter sur le joli son du bippeur que j’aimais tant. Le problème, c’était que d’une part, ce n’était pas le mien d’autre part, je venais de me faire prendre les mains dans la poche. Me retournant face à lui en adoptant ce fameux sourire légendaire qui voulait dire : « Je n’ai rien fait de mal ne m’engueule pas », je jetais un rapide coup d’œil à son bippeur. Mon sourire s’allongea de plus belle quand je vis 257. Yes, enfin de l’action ! Mes yeux se reposèrent sur Nikolaï, j’hochais la tête négativement en affichant une moue décevante. « Mh.. Non, non c’est pas ça. » Puis, je me retournais vers la sortie en sifflant. Putain pourquoi tu siffles ? T’es con où tu le fais exprès ?

Je n’arrivais pas à y croire, sérieusement, je pensais que Féline était un peu plus intelligente que cela et qu’elle aurait une meilleure idée que de me voler mon bipeur pour avoir au moins un patient dont elle pourrait s’occuper. Mais cela devait être sa tactique à elle. Elle piquait des patients en même temps qu’elle piquait des bipeurs. Je couchais avec les titulaires pour avoir des patients de luxe tandis qu’elle fouinait dans la salle de repos… chacun son truc j’allais dire en fin de compte. La compétition avait toujours fais rage avec Féline et c’est ce qui me donnait l’envie de me défoncer à chaque instant. Je voulais sans arrêt lui prouver que de nous deux, j’étais le plus brillant mais cette blondinette semblait persister à croire que c’était elle. Mon visage tournait vers le sien, je pouvais voir qu’un sourire vint à illuminer ce dernier et je poussais un faible soupir. Ce sourire voulait tout dire, j’avais souvent eu le même après avoir déniché une grosse opération après avoir passé quelques minutes de plaisir avec une titulaire. A chaque minute de la journée je pensais chirurgie, je n’avais presque que ce foutu mot à la bouche tant j’aimais mon métier et je n’avais qu’une hâte, être titulaire à mon tour. Lorsqu’elle vint à me dire que ce n’était pas ma patiente, je finis par me rallonger mes les sifflements qu’elle poussa alors qu’elle s’apprêtait à sortir de la pièce me firent me redresser de force. Je me levais donc et m’approchais d’elle, venant à reprendre mon bipeur à la volée, jetant un coup d’œil sur ce dernier. « Putain de merde Féline la 257 tu devrais être en train de courir espèce de garce ! », lâchais-je alors que je lui redonnais son propre bipeur. Je m’aperçus que je n’avais pas de chaussures à mes pieds et pas le temps de les enfiler, pas le temps non plus de mettre ma blouse, je devrais faire cela sur le chemin. « Ramène-toi et dépêche ! », criais-je presque en commençant à courir dans le couloir, me préparant mentalement à monter deux étages en chaussette en prenant l’escalier.

Conne. Oui, j’étais aussi bien intelligente que conne. Au lieu de partir sans rien dire, je me grillais toute seule une nouvelle fois mais un sens, ce n’était pas plus mal. C’est vrai, si je me l’avais joué discrète, que j’étais partie tranquillement vers cette chambre 257, peut-être que sa patiente aurait perdu la vie. J’avais son bipeur, j’étais alors responsable de ses interventions, de ses patients et cela, même si je ne les avais jamais vu de ma vie. Ce numéro 257 ne me disait rien du tout. Peut-être que j’avais aperçu cette femme une ou deux fois mais, avec tout ce monde qui défilait, hormis mes propres patients, certains me restaient encore inconnue. Alors qu’il me prit le bipeur des mains, je grognais méchamment jusqu’à ce que j’aperçue cette tête désespérée qu’il faisait. Putain, il était prêt à me laisser ses patients ! Pourquoi cette foutue bonne femme avait besoin de je ne sais quoi aujourd’hui, à cette heure. Je prenais toujours mes responsabilités en main, j’assumais mes moindres faits et gestes et encore plus quand je volais les patients des autres mais dans un cas comme celui-ci précisément, je dois dire que j’avais tendance à paniquer quelque peu. Je ne savais rien de sa patiente et cet air grave qu’il prenait ne me plaisait pas le moins du monde. J’observais tous les détails qui pouvaient me donner des indices sur la situation mais, hormis le fait qu’il me redonna son bipeur, je n’avais rien remarqué. Je fronçais les sourcils en le rangeant dans ma poche tout en lui demandant quelque peu inquiète : « Mais merde Niko, t’aurais pu me dire que c’était important ! Qu’est-ce qu’il se passe en 257 ? » Je n’eus pas le temps d’avoir une réponse. Il se précipita dans les couloirs en m’ordonnant de le suivre. Si je ne faisais, ce n’était surement parce qu’il me le demandait, je détestais qu’on me donne des ordres. C’était seulement et simplement parce que j’étais curieuse de voir qui était cette mystérieuse patiente et parce qu’il avait vraiment l’air d’avoir besoin de moi… Aussi car j’avais fait une connerie en lui volant son bipeur et que s’il arrivait quelque chose, je me sentirais responsable également. Voilà comment une course démarre dans les couloirs de Guilty Pleasure. Criant des « Attention ! Pardon ! Poussez-vous ! » à la moindre personne croisant votre chemin. Je faillis me rater dans les escaliers ce qui me valut une méchante glissade mais, il y eu plus de peur que de mal.

A cet instant précis, je rêvais d’encastrer Féline dans le mur, d’attraper sa tête et de la coincer dans le plâtre pour ne plus qu’on puisse la décoincer sans devoir découper le mur. Je ne savais d’ailleurs pas ce qui me retenait à ce instant. Peut-être que c’était parce que j’adorais la compétition qui s’était instauré entre nous depuis quelques temps, que j’adorais son être tout entier, sa façon d’être, le talent qu’elle avait pour la chirurgie, ou cela devait être tout simplement parce que ma patiente avait besoin de moi. Je pouvais entendre la question que la jeune femme vint à me poser mais je n’avais pas envie d’y répondre, du moins, je n’en avais plutôt pas le temps. Ne prenant pas même le temps d’enfiler mes chaussures au pied du lit sur lequel j’étais allongé un instant plus tôt, je pris mes jambes à mon cou, me précipitant vers les escaliers. Je vis un excellent dérapage en chaussettes devant les premières marches avant de monter ces dernières à toute vitesse, entendant Féline derrière moi qui semblait avoir manqué une marche. Pas le temps de m’affoler soit elle suivait, soit elle resterait à terre. Dévalant les dernières marches, j’en profitais pour enfiler ma blouse que j’avais toujours dans les mains. Je n’eus malgré tout pas le temps de boutonner cette dernière. Tant pis, il fallait faire avec. Un nouveau dérapage devant la chambre et j’y entrais, voyant deux infirmières en train de maintenir ma patiente prise une fois de plus de convulsions. Me précipitant au près de ces dernières, je jetais un rapide coup d’œil au moniteur de ma patiente avant de donner des instructions à une infirmière alors que je prenais la place de cette dernière pour maintenir ma patiente qui menaçait de s’écrouler au sol. Une injection dans les fesses plus tard, il ne fallut pas plus de cinq secondes pour que ma patiente retrouve son calme. Je faisais signe aux infirmières de sortir alors que je rallongeais lentement ma patiente sur le dos, me tournant finalement vers Féline que j’avais ignorais depuis que j’étais entré dans la chambre. « La prochaine fois t’y réfléchiras à deux fois avant de venir prendre mon bipeur. Je te savais perfide, mais pas à ce point-là. A cette heure-ci et avec ta démarche lente, tu ne serais même pas encore à l’étage et Dieu seul sait ce qui aurait pu se produire. »

Il y avait des règles à respecter dans un hôpital, de nombreuses règles qu’on apprendrait et assimilait au fils du temps. En tant que résidents, nous avions le devoir de les connaitre sur le bout des doigts, de transmettre notre savoir aux futurs chirurgiens. Pour ma part, j’étais totalement hors compétition dans ce domaine. Les règles ? Il n’y en avait pas, je ne les connaissais pas et je ne les avais jamais connu. Je savais parfaitement qu’un jour ou l’autre mes conneries me coûteraient ma place. Je n’avais pas le droit de fonctionner de la sorte, de jouer avec ma vie des patients, que ce soit les miens ou non. Je regardais Nikolaï faire quelque peu stressée. Si j’avais pu faire quelque chose, bien sûr que je l’aurais fait mais, il avait l’air de gérer et pus, je ne connaissais pas cette fameuse patiente. « C’est bon j’ai compris ! J’ai merdé… ça arrive à tout le monde. » Qu’est-ce que je pouvais dire de plus ? J’avais fait une erreur et j’en assumais les conséquences. J’étais tout de même soulagée que sa patiente aille bien. Soupirant, je baissais la tête en cherchant quoi dire. Des excuses ? Et puis quoi encore ? Je tiens tout de même à ma réputation ! Finalement, je relevais le regard vers Nikolaï et demanda sèchement : « Donne-moi son foutu dossier. » Foutu dossier ! Merde, stop les conneries Féline, les patients ont des oreilles, fait appel à ton cœur pour une fois. J’affichais un léger sourire pour me rattraper en attendant ce que j’avais méchamment demandé. Le moins que je puisse faire c’était jeter un œil sur son cas pour voir si je ne pouvais rien faire. Mon oncle m'avait appris deux ou trois trucs... Des doses en plus qui étaient interdites mais qui facilitaient la vie des patients, qui les soulageaient... Allez savoir pourquoi ! La médecine aura toujours des secrets, même pour nous.

Pas même cette fille ne venait à s’excuser ? Je n’arrivais pas y croire. Elle aurait pu tuer ma patiente et tout ce que cette petite insolente trouvait à me direc’est que cela arrivait à tout le monde. Mais bien sur, c’est vrai que tout le monde piquait les bipeurs de ses collègues, j’oubliais bien évidemment. C’était une faute que peut-être je ne lui pardonnerais jamais. La compétition avait toujours fais rage entre nous et ce depuis bien trop longtemps maintenant. Je n’avais jamais joué avec la vie des patients que se soient les miens ou ceux de Féline mais pour cette fois-ci, elle avait dépassé les bornes. Je roulais des yeux lorsqu’elle vint à me dire que je devais lui donner le dossier de ma patiente, mais elle se croyait où bordel de merde ? Et surtout, arrêtera-t-elle un jour de jouer les gamines ? Je jetais un coup d’œil à ma patiente avant d’aggriper le bras de Féline, entrainant cette dernière hors de la chambre, fermant au passage la porte de la pièce derrière moi et je fis finalement face à la blondinette. « Pas même t’y penses ma p’tite. N’espère même pas pouvoir remettre les pieds dans sa chambre car cela n’arrivera pas. Tu éloignes ta langue de vipère et tes petites pattes de ma patiente si tu ne veux pas avoir de problèmes. » Je m’estimais être encore assez gentil à cet instant car j’aurais pu m’énerver bien plus, je savais ce dont j’étais capable surtout à une cette heure-ci où j’avais encore la tête à moitié dans le cul suite à la courte nuit que j’avais passé. J’observais à cet instant chaque trait de la jeune femme, m’attardant finalement sur ses yeux marrons dans lesquels mon regard venait à s’encrer. Je ne savais combien de temps s’était écoulé à cet instant, peut être seulement de courtes secondes mais peut-être une ou deux minutes. Je réussis enfin à détacher mon regard du sien, scrutant un instant le couloir avant de retourner mon visage vers le sien. « Et la prochaine fois que tu veux piquer des patients à quelqu’un, fait le à un autre gars qu’à moi. »

Je savais parfaitement que j’étais en tort. A chaque fois c’était la même chose, je faisais une connerie, j’assumais, je le reconnaissais mais, seulement dans ma tête. Le dire à voix haute ou plutôt, faire des excuses, c’était tout simplement trop dur pour mon égo et j’en étais incapable. Pourtant de temps en temps, je le souhaitais. J’avais envie de m’excuser telle un vrai médecin, de reconnaitre que je n’aurais pas dû et promettre que cela ne se reproduira plus or, je n’arrivais pas à mentir car oui, je savais que j’allais recommencer encore et encore surement jusqu’à enfin accepter de grandir. Etre adulte, c’était vraiment dur, trop compliqué, trop ennuyeux, trop chiant. Affichant un sourire en guise d’excuses, j’attendais qu’il me donne son dossier pour pouvoir y jeter un œil or, à la place d’obtenir ce que je souhaitais, je me fis virer de la chambre. Je savais que je n’avais pas le droit de parler comme ça dans une chambre en présence d’un patient mais, je n’en avais rien à faire, si j’étais ici, c’était pour sauver des vies et non me laisser dépasser par les sentiments. Je fronçais les sourcils, mécontente de son choix bien que je sortis tout de même. « Aïeuuuuh ! Mais lâche-moi ! » Oui j’en rajoutais mais, c’était tout moi. Me retournant face à lui, j’observais les alentours avant de reposer mon regard dans le sien. C’était bizarre parce que… Je ne sais pas, c’est comme si le temps s’était arrêté quelques minutes ou quelques secondes à vrai dire, je n’avais plus aucune notion du temps dans cet hôpital. C’est finalement sa voix qui nous ramena à la réalité et, tout en passant une main dans mes cheveux, je me contentais de dire : « D’accord, d’accord ! Retourne dormir maintenant. » Mais quelque chose me disait qu’il n’allait pas partir avant que j’ai bougé mes fesses de l’entrée de cette fameuse chambre. Tout en croisant les bras, j’attendais.

Les plaintes de Féline concernant le fait que j’avais agrippé son bras me rentrant dans une oreille et ressortant directement de l’autre ne me firent absolument aucun effet. J’avais eu ‘habitude de malmener certains internes ou même encore d’autres résidents pour leur prouver que j’étais le meilleur dans tous les domaines et je ne changerais sans doute pas avec la blondinette. Après tout, c’était sans doute la seule qui me donnait vraiment l’envie d’agir comme un lèche-botte en quelques sortes. Je savais que tous les coups étaient permis entre nous, mais aller jusqu’à tuer une patiente, ce n’était pas vraiment dans le contrat, du moins, c’est ce que je pensais jusqu’à ce que cette petite insolente vienne à agir comme elle venait de le faire quelques minutes auparavant. Je ne savais pas comment expliquer l’instant de flottement que j’eus quelques secondes plus tard alors que mon regard était rivé sur le sien, je ne savais d’ailleurs pas pourquoi je ne bougeais à peine à cet instant, pourquoi je n’arriverais pas à détourner le regard. Un déclic en moi m’aida finalement à reprendre conscience et je fronçais les sourcils en entendant Féline m’ordonnant d’aller me coucher à nouveau. D’où elle se permettait de m’ordonner quoi que se soit après ce qui venait de se passer ? « Pardon ? C’est un ordre que tu viens de me donner là ? C’est hors de question, je vais épier le moindre de tes faits et gestes aujourd’hui pour m’assurer que tu ne t’approches plus cette chambre. Bonne chance pour me supporter, j’ai horreur qu’on vienne me réveiller de la sorte. » Intérieurement je souriais. Oh Féline, tu ne sais pas ce qui t’attends pour cette journée, crois-moi. Une fois que j’étais réveillé, impossible de me rendormir et je pouvais être un gros chieur quand on essayait de me piquer mes patients, et je pouvais l’être encore plus alors qu’il s agissait de cette chère Féline. Je ne prends pas la compétition à la légère, depuis que je suis ici, je suis un véritable compétiteur, prêt à tout pour arriver à mes fins et cela n’est sans doute pas prêt de s’arrêter.

Pourquoi le temps se stoppa net tout à coup ? Je n’en avais aucune idée or, nous étions comme figés, comme si plus rien ne comptait ou que rien ne bougeait autour de nous alors que nous étions tout de même dans un hôpital où médecins comme patients se promenaient H24 dans ces grands couloirs d’un blanc affreusement triste. Quand ce moment fut interrompu, je fis dans un premier temps assez gênée mais, cela me passa rapidement puisque c’était simplement Nikolaï et que comme à sa plus grande habitude, il avait encore quelque chose à redire sur ma façon de me comporter ou me parler. Si c’était des ordres ? Plutôt un conseil après tout, s’il voulait maintenir sa patiente en vie, il fallait qu’il soit en pleine forme lui-même ce qui n’avait pas l’air d’être le cas. Quant à moi, je prenais tout un tas de médicaments pour tenir nuit et jour et obtenir toutes les interventions que je voulais. C’était la seule chose que j’avais trouvé pour arriver à mes fins. Malgré cela, c’est la suite de sa phrase que je gardais en mémoire. Me faire pister dans le bâtiment toute la journée ? Non impossible, il en était hors de question, je tenais beaucoup trop à mon indépendance pour cela. Écarquillant les yeux, je rétorquais assez énervée par sa décision complètement stupide : « T’es pas sérieux là ? Tu vas me suivre jusqu’à ce que cette patiente parte ou quoi ? Tu peux pas faire ça parce que je… Je vais prendre ma douche tiens ! » Je vis quelques pas avant de me stopper nette et de faire marche arrière. Je ne pouvais pas baisser les bras, c’était tellement facile. Je devais absolument voir ce dossier parce que j’étais à la fois intriguée et inquiète par cette dame qui demandait énormément d’attention. Soupirant, j’adoptais cette petite tête de chien battu qui marchait… En général très très bien. « Laisse-moi au moins regarder son dossier s’il te plait Niko…. » S’il te plait ? C’était un grand effort non ? Il n’avait pas le droit de me refuser ce service si ? De toute façon, j’allais camper ici s’il le fallait vraiment.

Son énervement actuel me passait totalement au dessus de la tête. Ce n’est pas parce que mademoiselle râlait que j’allais céder à ses caprices, il ne fallait pas abuser non plus, ce n’est pas de la sorte qu’on obtenait mes faveurs. J’aurais très bien pu lui sortir un truc du genre couche avec moi et je serais plus sympa avec toi, mais c’était Féline quand même ! Bon d’accord, je n’aurais pas dis non à une partie de jambes en l’air avec cette dernière mais pas si tôt le matin non plus, j’étais loin d’être performant au saut du lit mais peu importait de l’heure qu’il était, je ne couchais pas avec l’ennemie, enfin en quelque sorte. Je fronçais furtivement les sourcils en l’entendant dire qu’elle allait prendre sa douche. Alors qu’elle tournait les talons, je posais ma main sur la poignée de la porte de la chambre de ma patiente, prêt à revoir cette dernière, mais se fut sans compter sur le demi-tour que fit la blondinette à quelques pas de moi. Bah tiens, cela ne m’aurait pas étonné qu’elle revienne en rampant vers moi. Je poussais donc un soupir en entendant ses propos. « Bon d’accord, mais c’est pas parce que t’as adopté ta tête de… chien battu ou de je ne sais trop quoi. C’est juste parce que je veux que tu m’lâches les baskets avec ça. » Je m’apprêtais donc à me rendre vers l’accueil de l’étage mais finalement, je ne fis pas plus de deux pas et faisant face à Féline, je me rendais compte qu’il y avait peut-être quelque chose de mieux à faire ; De toute façon, une fois qu’elle aura vu son dossier, elle me demandera ou plutôt me suppliera sans doute de m’aider avec ma patiente. « Non en fait tu sais quoi, on va faire mieux, je lui ai programmé de nouveaux scanners pour neuf heure pétante, t’es partante ? » Au final j’étais généreux, son dossier ne lui aurait pas appris grand-chose hormis qu’elle était prise de crise d’épilepsie à certains moments et que son diagnostic n’était pas encore clair. Quatre jours que j’essayais de poser un diagnostic mais rien à faire, je n’arrivais pas à mettre un doigt sur la cause de sa souffrance. J’aurais quand même voulu faire son diagnostic moi-même pour m’attirer des louanges, mais trop tard, j’avais mêlé Féline à cela et je ne pouvais pas faire demi-tour maintenant.

Tête baissée, j’écoutais ce qu’avait à me dire Nikolaï jusqu’à ce qu’il m’annonce la bonne nouvelle. Un grand sourire s’afficha sur mon visage alors que je sautais de joie dans le couloir principal. « Oh t’es génial ! » Je devais me racheter suite à ma stupide erreur et c’est pour cela que j’allais l’aider. Bon d’accord, c’était surtout parce que j’en avais envie car j’étais beaucoup trop curieuse et également parce que je m’ennuyais à mourir ce matin de si bonne heure. Me rendant compte de ce que j’étais en train de faire ou même de ce que j’avais dit, je me stoppais en regardant Niko le sourire aux lèvres. Je canalisais ma bonne humeur intérieurement car je prenais conscience de l’importance de ces scanners. Si cette patiente était prise de crises encore et toujours, cela voulait dire qu’il n’avait pas encore trouvé ce qu’elle avait. S’il ignorait la cause, c’était que son cas devait être important car habituellement, Nikolaï est très rapide, c’est un très bon médecin je devais le reconnaitre. Sans doute le meilleur résident de la promotion. Bref, reprenant mon sérieux, j’annonçais après m’être raclée la gorge et d’un ton très sérieux. « Je veux dire bien sûr, je vous aiderais avec grand plaisir monsieur Saltanov. » Après ce que je venais de faire, c'était tout de même gentil de sa part de me proposer de l'accompagner... Dans un autre sens, il n'avait pas le choix s'il voulait être tranquille et ne pas avoir à me suivre toute la journée dans mes moindres déplacements et rater des opérateurs importantes....

C’était en fin de compte plutôt rare d’entendre Féline me dire que j’étais génial mais pour tout avouer, je n’allais pas m’en plaindre. Toute façon j’étais le meilleur, tout le monde le savait alors autant l’affirmer haut et fort comme l’avait la blondinette deux secondes plus tôt. Un large sourire vint à s’étendre sur mon visage et j’avais juste envie de lui rappliquer un truc dans le genreOui je sais, on me le dit souvent., mais autant ne pas contrarier cette douce atmosphère qui pour une fois, flottait entre nous. Mes chevilles vont bien si en ce moment même vous êtes en train de vous poser la question, elles vont toujours bien d’ailleurs. Finalement, je restais silencieux face à la remarque qu’elle avait lancé ne lâchant pas vraiment son visage du regard, affichant un nouveau sourire en coin suite aux nouveaux propos qu’elle vint à tenir. « Tâchez alors de bien vous tenir mademoiselle Carter-Lloyd. En ces quelques heures restantes je peux encore revenir sur ma décision. » Il n’empêche que cela serait un peu… con venant de ma part. Depuis le temps que je rêve de me taper Féline, il faudrait être un vrai naze pour revenir sur sa décision telle que je l’avais exprimé à la blondinette. S’occuper ensemble de cette patiente qui demandait pas mal d’attention que se soit de jour comme de nuit permettrait sans aucun un rapprochement entre la jeune résidente et moi-même. Il n’empêche que des fois, j’étais assez fut-fut. Enfin des fois, trop souvent même ce qui pouvait en agacer plus d’un. Mon cerveau fonctionnait à pleine puissance à chaque heure de la journée et en vingt-quatre ans, il ne menaçait pas encore d’exploser. Au moins quelque chose que j’avais hérité de mon père, ça, je devais l’avouer. Finalement je chassais toutes ses pensées de ma tête en passant une main sur mes yeux. Décidément, je pensais sexe à longueur de journée depuis que j’étais arrivé à Wichita et plus particulièrement depuis que j’avais mis les pieds dans cet hôpital. Six heure du matin et ce cher Nikolaï pense déjà à coucher. A croire que j’étais une cause perdue ou un autre truc dans le genre.

Les choses se déroulèrent si vite, je n’eus pas le temps de réaliser ce que j’étais en train de faire, de dire. En temps normal, j’aurais surement accepté son offre et c’est tout. J’étais tellement heureuse que pour une fois, j’en oubliais mon mauvais caractère, limite j’aurais pu lui sauter au cou, je l’aurais fait. Il ne fallait pas abuser non plus, une chose après l’autre ! C’était sans aucun doute la première fois que Nikolaï acceptait que je l’aide sans que je ne le force ou même par compétition et, je trouvais cela plutôt gentil de sa part suite à ce que je venais de lui faire subir. Si ma mission avait été réussi jusqu’au bout, sa patiente ne serait peut-être plus ici à cette heure. Je ne pouvais pas le nier, Niko était un très bon chirurgien, il méritait d’être titulaire. A première vue, il pouvait paraitre autoritaire, dragueur, joueur également mais auprès de ses patients, c’était un tout autre homme. Oui, je l’admirais car jamais je ne réussirais à être aussi attentive et gentille avec les miens. Finalement les pauvres, ils n’avaient pas de chance de tomber sur moi. Mon but était de m’améliorer tout en sauvant des miens le reste, ça m’était égal. Je me montrais forte, sans cœur et sûre de moi or intérieurement, tout était différent. D’ailleurs, je finis par succomber et le sourire aux lèvres, j’en rajoutais encore pour lui montrer que j’avais compris la leçon. « Ne vous inquiétez pas monsieur, je suis toujours sage comme une image ! Et mh… Tiens ! » Je levais les yeux au ciel avant de sortir son bippeur de ma poche. Cela faisait bizarre d’accepter de rendre quelque chose à quelqu’un sans se faire forcer la main. Je l’observais quelques secondes avant de le tendre avec un léger sourire gêné. Jamais je n’aurais dû faire cela !